Photo © ORGAPRED : mini-tumeurs cancéreuses.
Article issu de Prisme, le journal de la recherche de l’Université de Caen Normandie (N° 12 – Juillet 2021)
La plateforme ORGAPRED produit des copies miniatures de tumeurs cancéreuses, à partir de véritables échantillons de cellules issues de tissus tumoraux. L’objectif ? Utiliser ces « mini-tumeurs » pour tester et prédire la réponse des patients aux traitements médicaux. Explications.
In vitro, in vivo… et maintenant ex vivo
La recherche en santé s’appuie traditionnellement sur des analyses menées in vitro (« sous verre ») sur des cellules cultivées en laboratoire qui, si elles sont concluantes, seront suivies d’études in vivo (« dans le vivant »), ces dernières étant plus pertinentes du point de vue de la complexité des systèmes biologiques. Mais même si les analyses sont concluantes, les résultats obtenus in vitro resteront néanmoins incomplets car les cellules, qui s’étalent au fond de leur boite cylindrique, sont isolées de leur environnement.
La solution intermédiaire pourrait venir d’analyses menées ex vivo (« hors du vivant ») sur des reproductions d’organes, de tumeurs ou de tissus en 3D appelés « organoïdes ». « Les organoïdes ont des caractéristiques et des fonctions qui reflètent la complexité du vivant, » précise Laurent Poulain, docteur en biologie et co-responsable de la plateforme ORGAPRED. « Ce qui en fait d’excellents outils pour la recherche clinique et pour la recherche fondamentale. »
Vers une médecine prédictive
À Caen, l’unité de recherche ANTICIPE travaille sur les cancers de l’ovaire depuis plus de 30 ans. « Les rechutes sont fréquentes dans le cas des cancers de l’ovaire, certaines tumeurs mettant en place des mécanismes de résistance face aux traitements de première ligne », explique Laurent Poulain. D’où la nécessité d’identifier ces mécanismes pour prédire la réponse aux traitements et ainsi proposer des protocoles thérapeutiques personnalisés.
« Le rêve de tous les oncologues, c’est de pouvoir produire un organoïde tumoral à partir des cellules de tumeur d’un patient, puis de le soumettre à différents traitements pour vérifier lequel sera le plus efficace sur ce patient ! »
C’est en 2017 que l’unité de recherche ANTICIPE se lance sur cette piste – un long parcours et une prouesse méthodologique. « Il s’agit de récupérer les cellules qui, une fois placées dans une matrice additionnée de différents facteurs de croissance, vont évoluer en 3D, jusqu’à devenir de micro-tumeurs proches de la tumeur d’origine » souligne Louis-Bastien Weiswald, docteur en biologie et co-responsable de la plateforme ORGAPRED.
« Il nous a fallu trois ans pour mettre au point les méthodes de culture, d’analyse et de conservation des organoïdes de tumeurs de l’ovaire. »
Les perspectives qui s’ouvrent sont multiples : les organoïdes pourraient également être utilisés pour évaluer l’action d’une molécule pharmaceutique, valider de nouvelles stratégies thérapeutiques ou identifier des biomarqueurs de réponse aux traitements.
Répondre aux besoins des chercheurs et des cliniciens
Ce savoir-faire ne tarde pas à attirer des demandes extérieures : de là est née l’idée d’une plateforme dédiée à la production d’organoïdes tumoraux. « Nous nous sommes rapprochés d’une unité de recherche de Lille travaillant, elle aussi, sur ces méthodes, » poursuit Louis-Bastien Weiswald.
« Nous avons travaillé de concert pour créer deux plateformes partenaires et se coordonner de façon à répondre au mieux aux besoins des chercheurs et des cliniciens de tout le Cancéropôle Nord-Ouest. » C’est ainsi qu’ORGAPRED est créé à Caen en 2020, avec, déjà au catalogue, une quarantaine de lignées d’organoïdes dérivés de tumeurs de cancers de l’ovaire, des voies aérodigestives supérieures, du côlon, du pancréas et du sein.
À Lille, la plateforme ORGARES se spécialise dans les organoïdes issus de tumeurs cancéreuses du poumon et de l’appareil digestif. La structuration se poursuit également au niveau national, avec le réseau des plateformes « Organoïdes » labellisé par le CNRS en 2021. « Ces nouvelles méthodes d’analyse, aujourd’hui en plein essor, vont devenir incontournables à l’avenir : l’idée est de se coordonner pour travailler ensemble, partager les savoir-faire, et échanger nos modèles, au service de la recherche en santé, » conclut Laurent Poulain.
La plateforme ORGAPRED est cofinancée par l’Union européenne, la Région Normandie dans le cadre du programme opérationnel FEDER/ FSE 2014-2020 et par l’État français.
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